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Le Giro vu de mon canapé
15 mai 2017

Neuvième étape : Montenero di Bisaccia - Blockhaus Della Maiella 149 km (Le 14 mai 2017)

LE NOUVEAU PIRATE

 

Un doigt pointé vers le sol, puis un doigt pointé sur son torse, Nairo Quintana en triomphant, semblait signifier que cette montée, dont on dit qu'elle est la plus difficile du Giro, lui appartenait. Les dernières plaques de neige d’un hiver rigoureux zébraient les abords de la ligne d’arrivée à 1 665 m d’altitude, dans la Montagna della Maiella, un massif âpre et sauvage, premiers contreforts des Abruzze. Le public, beau joueu malgré le recul de son protégé, Vicenzo Nibali, n’hésitait pas à marcher sur ces plaques de neige pour applaudir le nouveau maillot rose au teint buriné des hauteurs colombiennes. Dans ce match annoncé, Quintana 2 – Nibali 0. 

 

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Il ne fallait pas être grand clerc pour deviner le déroulement de cette étape qui prit son envol le long de l’Adriatique, traversant des villages aux ruelles étroites penchées sur des promontoires au-dessus de la mer. Elle devait se résumer à une inévitable course de côte. On vit de façon classique une échappée matinale vouloir anticiper la montée finale avec une petite avance. On y trouvait étrangement un Davide Formolo à découvert. Une erreur tactique pour le jeune italien qui terminera 10ème de l’étape, après avoir été repris avec ses compagnons de jeu par le peloton.

 

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Car pour les favoris, aujourd’hui, il était hors de question de laisser la gagne à des seconds couteaux. Ce sont les Movistar de Quintana qui se mirent à la planche. Chacun retrouvant son rang, comme Izagirre, vainqueur la veille et qui endossait à nouveau son costume d’équipier. Finies les paillettes. Les maillots bleus n’étaient pas là pour plaisanter, et on vit ce même Izagirre tancer un intrus qui avait l’outrecuidance de venir s’intercaler entre les roues du train bleu.

 

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Je ne sais pas exactement quand les « trains » sont apparus dans le cyclisme. Sans doute faut-il regarder du côté des sprinteurs et de Cipollini, qui avait mis au point cette technique pour dominer son monde. Les Us Postal avaient transposé cette technique en montagne de manière à propulser Lance Armstrong vers cettegloire éphémère qui le couvre d’opprobre aujourd’hui. Inutile de rappeler pourquoi. Ce train, dont la musette est bourrée de doutes, qu’a repris à son compte l’équipe Sky et le controversé Chris Froome. Si la vox-populi des pays « historiques » du cyclisme rejette cette approche rationnelle, pragmatique, programmée, des anglo-saxons, on ne peut que constater quand on observe ce sport sous toutes ses coutures - et pas seulement quelques semaines durant l’été – que le « train » est utilisé par toutes les équipes et sur toutes les courses.

 

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Dans la longue approche du Blockhaus de la Maiella, avant d’entamer le pied de la côte proprement dite, le train des Movistar a dispersé le peloton. Mais c’est une moto qui a fait le plus de dégâts, irréversibles ceux-là. Un policier s’est arrêté sur le bas-côté d’une façon totalement inopinée provoquant la chute de plusieurs coureurs. C’était le moment où la course devenait très nerveuse, le train des Sky qui devait protéger ses deux leaders les remontaient vers l’avant, déséquilibré par la moto, un coureur tomba et entraîna un terrible strike dans les rangs des Sky. Les maillots noirs étaient quasiment tous à terre. Geraint Thomas qui nourrissait quelques ambitions termina à plus de 5', Mikel Landa avec le grupetto. Autre victime notoire, le jeune Adam Yates, 4ème du dernier Tour, tentait de revenir dans les roues du peloton des chanceux, il vint mourir à quelques mètres mais ne rentra jamais, débours pour le britannique : 4’39'' et perte du maillot blanc de meilleur jeune. Pour le directeur de course Maurizio Vegni, « la moto s’est arrêtée car elle attendait les attardés pour les couvrir. C’est une erreur d’évaluation, c’est un élément de la fatalité. Mais je ne voudrais pas que cet incident ruine le travail que la polizia effectue depuis des années, en, pensant seulement à la sécurité des coureurs ». Il n’est pas certain que cette explication puisse réconforter les malheureuses victimes.

 

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La route s’enfonçait inexorablement dans cette Italie rurale où les collines vertes et les forêts sombres buttaient contre les aspérités de la montagne. On passait les derniers villages recroquevillés autour de leur église avant d’attaquer la route qui mène au Blockhaus.

 

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En 1967, Merckx montra au petit monde du cyclisme qu’il était capable de suivre les meilleurs grimpeurs et de les battre sur leur propre terrain. Le jour où Merckx est devenu Merckx diront certain. 

 

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Le peloton rétrécissait en même temps que la route sous l’impulsion des équipiers de Quintana et notamment d’un Anacona déchaîné. Avec Ivann et mon père qui m’accompagnent sur mon canapé, on dévore autant de bonbons que de coureurs qui sautent, les uns après les autres. Il fait beau et chaud dehors, la nouvelle de la naissance de mon neveu hier soir me donne le sourire et je bénis une mobilité presque retrouvée. La journée et belle et la course passionante. Il ne m'en faut pas plus pour être bien. Retour à la course où l’élégance du maillot rose disparaissait dans les pentes les plus dures, il s’aplatissait sur sa machine, et bientôt quitta les roues. Sans espoir de sauvegarder ses secondes d’avance, il laissera 3’30''

 

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Ils n’étaient plus qu’une poignée à sept kilomètres du sommet quand le petit colombien et grand favori du jour et de la course, se leva sur les pédales et accéléra. Amador n'eu même pas à effectuer sa part de travail. C’est Nibali qui répondit le premier. Les bras allongés sur le cintre du guidon, en position de contre-la-montre, il reprit la roue du colombien sans effort apparent. Facile. Thibaut Pinot montait sur son porte bagage. On assistait alors au bras de fer attendu entre les deux favoris, arbitré par la fougue maîtrisée du français.

 

 

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Que c’est excitant le vélo quand les masques tombent, et que les cadors du peloton se dévoilent. Que c’est emballant le vélo quand i campioni essaient de devenir des campionissimi. C’est d’autant plus poignant dans ce paysage de moyenne montagne où la route étroite ondule dans les alpages, étroit serpent de bitûme délimité par deux blanches où l’on voit chaque petit groupe de coureurs se débattre face à la pente, les nuages menaçants couvrant les hauts sommets encore enneigés. La montagne est l’essence du cyclisme. C’est son écrin, là où les légendes se sculptent dans la roche millénaire, où la terre tente de rejoindre le ciel.

 

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Quintana écrit son histoire sur les pentes du Blockhaus. Après trois nouvelles attaques comme autant de paragraphes, à chaque fois conclues par un retour de Nibali et Pinot, le quatrième assaut à 4.7 km du sommet sera le bon. A la manière d’un Pantani, dont le fantôme rôde toujours autour de la course, Quintana est capable de répéter des attaques aériennes. Un style bien différent de celui de Nibali. Les fesses posées sur la selle il dut se résoudre à remettre les mains sur le guidon, le sicilien perdait la bataille de l’intox. Cette fois il laissa le colombien gagner mètre après mètre. Pinot, impressionnant d’aisance et gérant sa course avec intelligence, haussa son rythme. Nibali, en perdition ne sut répondre. Au plus fort de la pente qui atteignait par moment les 14%, le colombien dont le visage impassible n’incite pas à l’empathie, creusait l’écart, 30’' d’avance sans sourciller.

 

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Les émotions allaient crescendo quand on aperçut que le maillot blanc et noir de Tom Dumoulin accompagné du Bauke Mollema en rouge, revenir sur le squalo. J'eus alors un espoir qu’ils puissent servir de locomotive à Nibali, mais l’italien ne résista pas non plus à ce retour. Il faut dire que Tom Dumoulin semble avoir atteint sa maturité. Lui, le spécialiste du chrono vient titiller avec aisance les purs grimpeurs. Avec son style posé, sans à-coups, gérant parfaitement son effort, il boucha le trou sur Pinot.

 

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L’autre néerlandais Mollema décrocha à son tour. On pénétrait dans une forêt de hêtres, la pente devenait plus douce, le duo franco-néerlandais limitait la casse, mieux, grignotait quelques secondes sur Quintana qui s'avançait de plus en plus sur le bec de sa selle, en gagnait sur Mollema et surtout NIbali. Surtout, le duo devenait la menace la plus sérieuse pour Quintana étant donné leur supériorité supposée dans les contre-la-montre. Surtout, les pentes du Blockhaus étaient fatales à la plupart des autres prétendants. Les pauvres Gerrans, Yates ou Landa, mais aussi les Kruijswijk, Zakarin, Van Garderen. Le podium se dessinait.

 

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Au sommet de ce Blockhaus, ces casemates érigées dans la nouvelle Italie unifiée pour lutter contre le brigandage, Quintana est allé chercher le prestige d’une victoire d’étape et un maillot rose pour garnir sa malle au trésor. Mais attention, contrairement - et heureusement – à ce que peut faire un Froome sur le Tour, le nouveau pirate n’a pas assommé le Giro. 24’’ sur Pinot et Dumoulin, 41’’ sur Mollema et « seulement » 1’ sur Nibali malgré sa défaillance, le Giro n’est pas terminé, loin de là, il vient en fait tout juste de commencer, les pieds presque dans la neige, la tête dans les nuages et l’espoir pour ceux-là de décrocher la lune.

 

 

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