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Le Giro vu de mon canapé
29 mai 2017

Vingt-et-unième étape : Monza-Milano c-l-m 29km3 (Le 28 mai 2017)

CIAO GIRO

 

 La logique a été respectée sur ce dernier contre-la-montre que les organisateurs avaient imaginé pouvoir être décisif. Il le fut, en effet, avec quatre bonhommes qui pouvaient encore prétendre soulever le trofeo senza fine, la belle coupe originale du vainqueur. Mais il y avait un intrus parmi les prétendants pour préserver encore longtemps le suspense, Tom Dumoulin était trop fort dans l’exercice solitaire par rapport aux trois autres, de purs grimpeurs. Surtout sur un parcours en léger faux-plat descendant qui avantageait les grosses cuisses. La gagne allait se jouer aux alentours des 53 km/h, les gros moteurs employant un 58 dents à l’avant. Monstrueux !

On devina rapidement que Dumoulin se mettrait à l’abri de toute surprise. Le départ sur le circuit automobile de Monza paraissait taillé sur mesure pour le néerlandais. Moulé dans son maillot de champion des Pays-Bas du contre-la-montre, parfaitement aligné, le dos tellement plat qu’on pourrait y déjeuner sans renverser son verre d’eau, il écrasait les pédales avec une cadence incroyable pour le braquet utilisé et tirait le meilleur de lui-même et de sa machine. Pas grand-chose à voir avec nos trois grimpeurs. On voyait bien que malgré toute leur bonne volonté ils ne pouvaient rivaliser en style et en puissance. Ils poussaient tous un 55…seulement. On avait vu tout de suite sur les courbes et les lignes droites de Monza, qu’ils allaient surtout se battre entre-eux, pour le podium.

 

 

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Au premier pointage (8km), Dumoulin avait déjà refait plus de la moitié de son retard sur le maillot rose, et déjà dépassé largement Nibali et Pinot. Des trois, c’était l’italien qui donnait la meilleure impression visuelle, et le chronomètre le confirmait. Pinot n’était pas vilain sur son vélo, loin de là, mais comme la dernière fois, il lui manquait vraiment de la puissance et à l'écran, on ne le voyait pas se battre outre mesure. Ce n’était surement qu’une impression. Pour Quintana, les choses étaient différentes. Il est sans doute le moins doué des quatre dans cet exercice. Dès les premiers tours de roue, il but une gorgée, tête relevée il perdit alors son alignement, assis sur le bec de selle il dodelinait du bas du dos, mais il se battait avec ses moyens. Son maillot rose se détricotait maille après maille. Dumoulin ne callait pas, bien évidement, et mis à part un incident mécanique, une glissade sur les pavés urbains, il ne pouvait plus rien arriver de fâcheux pour le grand hollandais.

 

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Au dernier pointage, Tom était vêtu de rose pour 8’’. Nibali réalisait un bon temps, mais encore insuffisant pour venir doubler in extrémis Quintana sur le podium. Quant à Pinot, il perdait là ses ambitions pour monter sur les trois premières marches. Il faisait jeu égal avec le colombien, pas assez pour bouleverser le classement. Le casque profilé toujours parfaitement aligné avec son dos, sa cadence de pédalage toujours aussi impressionnante, Tom Dumoulin dégageait une puissance magnifique.

 

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A l’arrivée, il claquait un temps, pas le meilleur d’ailleurs, étonnement battu par Van Emden de la Lotto, dont l’émotion pour cette victoire d’étape était communicative. Les yeux rougis, le hollandais n’en revenait pas d’avoir devancé le prochain vainqueur du Giro. Un exploit quand on voit la qualité de la prestation de Dumoulin, qui se battait pour la victoire finale et avait tout lâché. Bravo.

 

 

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Mais pour Tom, l’important était ailleurs. Il attendait l’arrivée de Quintana, assis sur une chaise, s’épongeant le front à plusieurs reprises, épiant le chrono pour lui confirmer qu’il allait bien être le lauréat 2017. Ce fut fait à 500m de la ligne, il pouvait alors laisser éclater une joie immense, infinie. Son bonheur ne pouvait empêcher son visage de cacher une légère surprise, il avait battu Quintana et Nibali, qui pèsent six Grands Tours à eux deux. Ce n’est pas rien.

 

 

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Pinot écarté du jeu depuis longtemps, il ne restait plus qu’à savoir si Nibali chiperait la place de deux à Nairo. Pour 9’’, le sicilien restait sur la troisième marche. Le podium avait quand même fière allure.

 

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Le Giro 2017 était terminé, il avait rendu ses verdicts. Sous le ciel rarement aussi bleu de Milan, aux pieds du somptueux Duomo et ses extravagantes dentelles de pierres, on gravait le nom de Dumoulin sur le Trophée Sans Fin. La pression relâchée, on retrouvait un sourire large et franc sur les visages de Nibali et Quintana qui accompagnaient le vainqueur. Les masques de la course étaient tombés. La comédia del arte pouvait plier costumes et décor, les acteurs retrouvaient leur vie normale. Dumoulin enfilait le dernier maillot rose, soulevait la coupe, et pouvait jubiler avec ses potes de Sun Web. Malgré sa faiblesse, son équipe avait répondu présent aux moments clés. C'est ce qu'il fallait.

 

 

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Comme prévu également, le prometteur Bob Jungels ne laissa aucune chance à Adam Yates, lui enlevant le maillot blanc lors de cette dernière journée. Davide Formolo complétant le podium des moins de 25 ans. Il faudra garder un oeil sur ces mômes dans le futur proche.

 

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Fort de ces quatre sprints victorieux, Fernando Gaviria endossait son premier maillot cyclamen. Ses plus sérieux adversaires préférant descendre de la caravane avant les montagnes, personne ne pouvait lui contester cette victoire. Gaviria s'est révélé sans conteste le grand sprinteur de ce Giro.

 

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Pour le maillot bleu du meilleur grimpeur, Mikel Landa, qui espérait sans doute autre chose au départ de Sardaigne, n’avait pas trouvé non plus de concurrents assez coriaces pour lui prétendre. Mais avec un double passage en tête du Stelvio et la victoire à Piancavallo, Landa s’est avéré un très beau porteur de la Maglia Azzurra. A noter que deux autres espagnols, Sanchez et Fraile, l’accompagnent sur ce podium annexe.

 

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A l’heure du bilan, ce Giro a engendré des belles émotions, surtout, il a humanisé un peu la course. Personne ne l’a vraiment dominée, chacun a joué avec ses propres forces et maitrisant ses faiblesses. Les équipes ont joué leur rôle, mais sans mettre sous scellé les initiatives, laissant surtout les leaders s'expliquer entre eux. 


Dumoulin a été supérieur quand la course faisait appel à la puissance, il a été en difficulté dans les étapes montagnardes, où les cols se succédent, et dans les passages les plus escarpés. Dumoulin est le type même du coureur complet qui se délecte de ces parcours très équilibrés. Ce n'est donc pas inconcevable de le retrouver à ce niveau.

Nibali a fait mal quand les étapes étaient dures, ou les tracés étaient sinueux. Il gagne d’ailleurs son étape sur son point fort, dynamitant la course dans la descente du Stelvio. Il a été en retrait sur les montées sèches, comme au Blockhaus ou à Oropa. Il reste quand même un champion qui tente, imprévisible et qui ne s’avoue jamais vaincu avant la fin. Un caractère bien trempé, têtu, coriace, tosto comme on dit dans le coin.

Quintana a fait du Nairo. Des accélérations fulgurantes en montagne qui en font encore le meilleur grimpeur du monde, une régularité à toute épreuve qui l’emmène toujours dans les parages du podium. Mais on peut toujours reprocher à Negrito son manque d’audace, son attentisme, son suivisme parfois. Et sa faiblesse contre la montre, qui lui vaut la victoire sur le Giro.

Pinot a été au niveau de ses ambitions, formidable d’endurance, prenant ses responsabilités de leader, il ne s’est jamais caché. Il lui manque de gérer un peu mieux les accélérations soudaines qu’ils souffrent plus que de raisons. Alors qu’il avait laissé entrevoir de beaux progrès contre le chrono - on en faisait le meilleur des trois grimpeurs - il a raté ses contre-la-montre. C’est dans l’exercice solo qu’il a laissé s’échapper le podium, pour 37’’.

Parmi les confirmations, Zakarin et Pozzovivo , 5ème et 6ème ont pesé sur la course, surtout en toute fin de Giro où ils ont presque dominé les quatre autres favoris. On les attendait mais peut-être pas si proches des leaders.

Personne n’aura manqué la progression de Bob Jungels, qui semble avoir un modèle tout trouvé en la personne de Dumoulin. Même point fort contre le chrono, même façon de gérer les escalades en véritable métronome, même difficulté à répondre aux purs grimpeurs sur les pentes les plus ardues. Il faudra pas mal de persévérance pour le faire sortir des roues dans quelques temps.


Un petit clin d’œil à mes coups de cœur du début de Giro.  L’africain Daniel Tekleihaimanot termine à une honorable 111ème place, à plus de 4h. Grâce à ses nombreuses tentatives d’échappées, il a tout de même glané le général des Traguardi Volanti. Quant à l’albanais Egert Zhupa, 140ème à 4h40’, qui a sûrement « inventé » le cyclisme en Albanie, il termine 3ème des TV, et 2ème au classement des échappées. Ils inscrivent leurs noms dans ce Giro ouvert sur le monde, où plus de dix nationalités ont gagné une étape : Colombie 5, Pays-Bas 3, Espagne 3, France 2, Italie, Suisse, Australie, Usa, Allemagne, Autriche, Slovénie, Luxembourg 1. Preuve supplémentaire que le cyclisme s’est mondialisé et le Giro joue pleinement son rôle d’intégration.

Chacun a eu sa bonne journée et sa mauvaise, et les grands noms, même en fin de Giro, n’ont pas écrasé la concurrence. Les kilomètres ont pesé dans les jambes de tous. La preuve, malgré l’enjeu, Nibali 13ème, Quintana 27ème, Pinot 28ème n’ont pas joué les premiers rôles dans l’épreuve finale. Même Dumoulin a perdu cette dernière course, alors qu’il avait survolé le premier exercice solitaire. J’espère y voir un peu d’espoir face au fléau du dopage, même si la victoire du rouleur alimente, et alimentera, les suspicions. Je crois que Dumoulin n’est pas sorti de nulle part. Certes, il n’était pas attendu tout en haut, mais pas très loin non plus. Sur un parcours équilibré, sans étapes invraisemblables et surtout sans les cols les plus dingues d’Italie, il a su saisir sa chance à la force e l'âge. Nous verrons par la suite où se situe le hollandais dans l’Histoire du cyclisme. Pour le moment, il peut chanter l’hymne de son pays, joué pour la première fois à l’arrivée du Giro.

 

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A l’heure du bilan personnel, j’ai pris énormément de plaisir à suivre ce roman qui écrit ses pages jour après jour. J’ai vraiment apprécié cette longue déambulation sur les routes de mon pays, cette Italie éternelle dont chaque village est une carte postale, dont les paysages des plages sardes aux Dolomites sont une formidable invitation au voyage. Scotché en raison de ma maladie sur le canapé de mon salon, j’ai pu me balader quelques heures par jour dans les méandres de la botte, j’ai pu rejoindre les fils de mon Histoire italienne, j’ai réussi à m’évader, à m’enthousiasmer dans des moments pénibles. J’ai vu des gens accueillir ce Giro sur le pas de leur porte chaleureusement, je n’oublierai pas tous ces maillots et ballons roses. C’était simple et beau. Je n’oublierai pas tous ces hommages aux disparus, ces pancartes pour Pantani, ces cœurs pour Scarponi, qui prouvent que les italiens n’oublient pas. Qu'ils restent fidèles. Le Giro est un rite, et si je m’évertue à n’appartenir à aucune église, je ne peux m’empêcher de participer à celui-ci. J’espère que ceux qui ont eu l’envie de me suivre et de me lire, auront éprouvé autant de plaisir que moi au travers de ce blog, de ce Giro vu de mon canapé.

 

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J’ai déjà un sentiment de vide à l’écriture de ses dernières lignes, comme une séparation d’avec des amis, après quelques semaines passées ensemble. Mes compagnons d’échappées vont partir, et demain je vais devoir réinventer mes journées. Alors je vais me souvenir du chef-d’œuvre de Gaviria ;  de cette arrivée intense dans les rues de Bergame ; de l’arrêt sur le bord de la route du maillot rose ; de la perspicacité de Landa ; des attaques répétées de Quintana sur le Blockhaus ; de la passivité des coureurs dans l’Etna, soumis à la force du vent ; la force de Dumoulin dans les vignes de Montefalco ; le saut de Nibali par-dessus la flaque d’eau dans sa descente du Stelvio qui allait relancer la course ; la rage de Pinot sur les trois derniers jours ; ce coup de bordure des Quick-Step initié par Bob Jungels sous les palmiers de Cagliari ; le gorille Greipel tout de rose vêtu ; la joie de Rolland à Canazei après tellement de vaines tentatives ;  la chute de Valério Conti dans la sublime étape du Gargano ; celle qui décima les rangs de la Sky dans les Abruzzes ; la course poursuite dans le coup de Trafalgar après Sappada ; la première heure folle dans les cols des Apennins ; le passage du Giro sur l’autoroute ; les attaques de Nibali qui me faisait lever de mon canapé ; la gêne de ce pauvre Pibernik levant les bras un tour avant l’arrivée ; l’aide de Jungels à Dumoulin dans le final d’Asiago ; le peloton en file indienne entre ciel et eau, sur les salines des Pouilles ou les rizières de Vercelli ; et puis ces sourires sur le podium de Milan.

Ciao Giro !

 

 

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Commentaires
I
bravo à toi j'ai passe un exellent moment et commpris plus de chose sur cette course. Continue à nous faire vivrer.Isabelle
Le Giro vu de mon canapé
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