Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le Giro vu de mon canapé
17 mai 2017

Dixième étape : Foligno - Montefalco 39km c-l-m (Le 16 mai 2017)

DUMOULIN DANS LE VENT

 

 

Parce que mes cyclistes favoris n’ont jamais été des grands spécialistes de l’épreuve solitaire, le contre-la-montre n’est pas ma tasse de thé. Pourtant, la discipline est un examen de vérité. Pas de corps à corps, de coup de bluff, de suceur de roues, de travail d’équipe, d’alliance, la course contre le chronomètre ne souffre d’aucune excuse. C’est une lutte entre l’homme sa machine et la route. C'est le polus fort qui gagne. Point !

C’est le retour à nos rêves de gosses, quand on enfourchait le vélo après l’étape du Tour, qu’on roulait seul sur les routes autour de chez soi et qu’on se prenait pour les champions de l’écran cathodique. Il n’y avait personne avec nous, que nous et notre vélo, et c’est dans ces instants de fiction que l’on mesurait toute la difficulté de ce sport. Je suis sûr que pour certains, ce furent les seuls coups de pédales de toute leurs vies. Pour d’autres, au contraire, une passion était née.

Il est rare de trouver des grimpeurs qui rivalisent avec des machines à rouler. Dès Anquetil, peut-être le plus élégant de l’histoire du chrono, ces chronomens ont souvent écrasés les Grands Tours grâce à leur supériorité dans cette discipline. Merckx, Hinault, Lemond, Indurain, Ullrich, Armstrong, Wiggins et dans une moindre mesure, Froome, ont bâti leur succès contre-la-montre, tuant souvent tout suspense. Bien entendu, il faut aussi savoir se défendre dans les cols, mais j’ai toujours pensé que la partie était pipée. Un très bon coureur dans l’exercice solitaire fera en quelques kilomètres une différence abyssale par rapport à un pur grimpeur dans une longue étape de montagne.


Même à la télé, cet événement n’est pas le plus spectaculaire. La monotonie des images est seulement brisée par les annonces des temps, d’abord intermédiaires puis finaux. Pour le public sur le bord de la route, par contre, c’est une journée agréable. On voit passer tous les coureurs un par un, le spectacle est garanti par ces drôles d’extra-terrestres dans leurs tenues moulantes, leurs lunettes futuristes, leurs casques profilés et ces vélos extraordinaires qu’ils enfourchent : cadre plongeant, roues lenticulaires ou à bâtons, guidons de triathlète. Le contre-la-montre c’est un peu l’image de modernité d’un sport ancien, un peu vieillot, qui a du mal à attirer la jeunesse dans ses rayons.

 

 

C_8woBUVYAQdeyL

FFS7930-1024x682

GM0_1740-1024x682


Pour les anonymes, les sans grades, les Porteurs d’Eau du peloton, le contre-la-montre c’est la possibilité de se mettre quelques minutes en lumière. Ils ne réaliseront pas de performance, ne créeront pas de surprise sportive, les contre-la-montre sont une journée de repos pour ces équipiers qui seront mis à contribution plus tard. Mais ce jour, ces « sans noms », voient leurs patronymes s’afficher sur les lèvres des spectateurs qui scrutent l’ordre des passages, les voitures suiveuses exposent sur des pancartes les inconnus, ceux qu’on ne cite jamais, les Slagter, Golas, Serry, Rota ou autre Pelucchi, qui se cachent dans les contre fonds du peloton ont leurs noms qui s’incrustent sur l’écran de la télévision. Peut-être les quinze secondes de célébrité prophétisées par Andy Wharol.

 

GMD_4124-1024x685

 

Le parcours de 39km entre Foligno et Montefalco en Ombrie, était adapté aux gros rouleurs. Les organisateurs avaient bien tenté d’équilibrer les chances en incluant des bosses, mais elles n’étaient pas suffisamment pentues pour laisser une vraie opportunité aux grimpeurs de limiter la casse. L’Ombrie est une région oubliée du tourisme de masse qui envahit la Toscane voisine. Pourtant ses collines douces couvertes de vignes, ses cyprès qui bordent les chemins, ses villes historiques comme les voisines Assisi ou Peruggia, et ses formidables petits bourgs médiévaux dispersés dans le paysage, n’ont rien à envier à sa cousine de douceur. Les vignes du Sagrantino, l'un des plus réputés cépages italiens, servant d'arrière plan aux coureurs.

 

 T10_Montefalco_alt-1

Montefalco_Piazza-del-Comune_rev-1024x683

FFS8113-1024x683

GMD_5167-1024x683

41_1296_fotopanoramica-montefalco

 

Le pauvre Nairo Quintana dont le maillot rose était magnifiquement assorti au marbre du Duomo roman de Foligno où était juché le départ, allait se fracasser contre ces collines, étourdi par les premiers kilomètres plat comme la main où il fallait envoyer du braquet, comme écrasé par le vallonnement des petits monts,  peu à l’aise dans les virages - il se fit même une belle frayeur dans l’un d’eux - le cul posé sur le bec de selle il luttait contre sa machine, presque saoulé dans ce pays du Sagrantino.

 

GMD_4532-1024x683

 

GMD_5889-1-1024x683

 

 

C_9VzddVwAA_Qd8

Comme l’a dit Thibaut Pinot, moulé dans son beau maillot Bleu Blanc Rouge, lui aussi très décevant au regard de ses précédents progrès dans l’exercice, (19ème à 2’42’’) : je n’ai pas fait corps avec mon vélo. Pour le rose colombien, le débours est légèrement plus élevé, 2’53’’, et perte de la tunique rose en sus. Le petit Adam Yates perd 2’39’’ ; Pozzovivo, l’ultime poids plume capable de s’immiscer dans le top 5, la facture s’élève à 3’07’’.
Quand on voit le gain minime relevé sur les pentes du terrible Blockhaus, il y a encore de quoi s’interroger sur l’équité de la guerre entre contre-la-montre et montagne. Nous verrons bien les prochaines journées et surtout la dernière semaine où se concentrent les grandes étapes alpestres. C’est tout l’intérêt de ce Giro, peut-être plus ouvert qu’on ne pouvait le penser.

 

Parce que le grand gagnant du jour était le grand favori de cette étape. Que Tom Dumoulin ait réalisé de bout en bout le meilleur temps, personne ne sera surpris. Que le néerlandais revêtisse la maglia rosa non plus. Par contre, peu aurait parié qu’il pulvérise la concurrence en écartant un renaissant Geraint Thomas, deuxième à 49’’ ; le beau Bob Jungels troisième à 56’’, et plus de 1’40’’ de bénéfice au-delà de la quatrième place. Impressionnant ! Si on ajoute à cela la superbe montée que le nouveau maillot rose a effectué sur le Blockhaus - rappelons-le, l’escalade la plus ardue de ce Giro numéro 100 - la pancarte d'homme à battre semble avoir changé de bonhomme.

J’ai beau avoir une petite dent envers le contre-la-montre, je n’en demeure pas moins très admiratif pour ces campionissimi della crono. Le batave est un exemple pour tous ceux qui veulent progresser dans ce domaine. Sa position est parfaitement aérodynamique, les bras calés sur le guidon de triathlète allongent le dos pour mieux pénétrer dans l’air. Rien ne bouge chez Dumoulin, il n’y a que ses longues jambes qui viennent, comme des pales, actionner la transmission d’une puissance prodigieuse. Tom Dumoulin fait du vent son allié quand les autres semblent le combattre en se déhanchant. Dumoulin a un don, c’est indéniable. Il en a fait aujourd’hui un très bon usage. Il pouvait monter en toute décontraction sur le podium pour recevoir la bise marquée de rouge à lévres des Miss du jour.

 

FFF5558-1024x683

GMD_6092-1024x683

FFF5771-1024x683

 

Parmi tous les prétendants à la Rosa, Nibali reste le plus énigmatique. Dans cette région viticole, ses supporters taquins tenaient une pancarte où l’on pouvait lire : Pinot Grigio, Nibali Rosa. La Rosa était bien loin, au premier pointage, après les 12km de plats initiaux, Nibali semblait parti pour une journée galère mais il finit très fort dans la partie vallonée du parcours, se jouant avec habilité des derniers virages problématiques. Sixième à l’arrivée, la place est belle, il est le premier des montagnards. Toutefois, il débourse un très lourd 2’07’’ sur le vainqueur du jour, ne gagne « que » 37’’ sur le grimpeur français, et 46’’ sur son ennemi annoncé, Quintana, tous les deux dans une giornata storta. Embêtant ! Le bilan est donc mitigé pour le Requin de Messine, même si cette prestation aurait plutôt tendance à être rassurante sur sa condition physique. Nibali est peut-être celui des favoris qui donne le plus de garanties sur la durée d’une longue course à étapes.

 

C_9NMtpVwAAP8_G

C_9RQurUwAALW9Y

 

Parce que la troisième semaine est prévue dantesque, la récupération sera sans doute la clé de voûte du succès. Ill ne faudra pas être trop loin de la tête quand on abordera la double montée du Stelvio. Cette Foligno -Montefalco a redistribué les cartes. Dumoulin s’est créé un joli matelas d’avance, mais Quintana, Mollema, Pinot et Nibali se tiennent entre 2’23’’ et 2’47’’ au général. Il faudra voir si les Sun Web de Dumoulin pourront tenir la course si les attaques se multiplient. L’intrigue est loin d’être finie et de nombreuses questions attendent encore leurs réponses. Parmi elles, la plus importante aujourd'hui, est de savoir si Tom Dumoulin parviendra à régir l'accumulation des efforts. Par le passé, il n'a pas donné toutes les assurances, mais ça, c'était avant. 

 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Le Giro vu de mon canapé
Publicité
Derniers commentaires
Archives
  • 2017
Visiteurs
Depuis la création 2 255
Publicité