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Le Giro vu de mon canapé
10 mai 2017

Quatrième étape : Cefalù - Etna 181km . (Le 9 mai 2017)

 

La montagne accouche d'un sourire

 

C’est l’histoire d’un rendez-vous manqué. Les champions avaient donné rencard à la Montagne pour la séduire. Ils avaient tenté les jours d’avant de montrer leurs plus beaux atouts en utilisant les réseaux virtuels, chacun espérant briller devant ses yeux. Parmi eux, Nibali jouait le rôle du favori. Parce qu’il était d’ici, parce que son élégance, sa bravoure, son panache, devait en faire l’heureux élu. L’histoire était écrite, mais les contes de fées ne sont plus aussi romantiques qu’ils l’étaient. A une époque où l’amour passionnel s’incarne dans la soumission, l’Etna, avec ses 50 nuances de gris de lave refroidie n’a pas voulu s’incliner devant l’un de ses prétendants. Les candidats se se sont fatigués à envoyer les gregari à l’avant, comme les ados envoient leurs amis pour vanter à la belle convoitée leurs qualités. A muntagna se contenta de leur souffler un vent de face. Ils passèrent d'interminables lignes droites dans cette configuration, entre des gros blocs de lave noire qui sonnaient comme autant de veto. Elle est pourtant attrayante cette montagne avec son charme austère, son espace lunaire, cette beauté sèche et pourtant terriblement sensuelle avec ses nombreuses bouches volcaniques. Cette volupté vous enveloppe et vous ensorcelle. Un peu étourdit par son éclat et malgré tous les signes de refus qu’elle envoyait, Nibali tenta le coup du speed-dating. Le rendez-vous vira au fiasco. Quelques secondes d’un tête à tête inutile. Ni Nairo Quintana, le colombien, qui connaît parfaitement ce genre de séductrice, ni Thibault Pinot, un peu trop tendre pour s’attaquer à si forte personnalité et encore moins les autres outsiders dont la jeunesse est un obstacle à ce jeu dangereux, n’ont osé briser l’indifférence orgueilleuse de la Montagne.

 

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La montagne a toutefois accouché d’un sourire. Le slovène Jan Polanc avait pris la poudre d’escampette, avec trois autres comparses, juste après le départ de la belle Cefalù aux consonances tellement siciliennes. La course s'échappait de la Mer Thyrriéniénne par une interminable montée dans les Monti Nebrodi, une des chaînes montagneuses de la Sicile. Wikipédia et même Jean-Paul Ollivier n'ont pas éclairé l'etymologie du Portello della Femmina Morta, le nom lugubre que porte ce col franchit par le Giro.

 

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Le parcours ménageait ensuite une belle balade dans l’arrière-pays de l’Etna. On l’apercevait du haut de l’hélicoptère de la course, le sommet étant pris dans un épais nuage.

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L’image n’était pas sans me rappeler la maxime de mon Nonno, quand la montagne qui domine notre village familial, est prise dans les nuages « Quando il Monte Pelpi mette il cappello, in tutto il mondo è il bordello ». Il n’en fût rien, nous l’avons vu. La bagarre étant remise aux calendes grecques, les quatre fuyards se faufilaient dans le décor grandiose de la Sicile. Cette Sicile authentique, ce « grenier à blé » des romains qui n’a pas encore abandonné, malgré les différentes révolutions et colonisations, son organisation en Latifundium (De grands domaines agricoles dominés par un «Maître »). Les champs cultivés s’égrènent en vallons et collines, ils ont encore leur manteau de verdure. Dans quelques temps, le tableau va exploser de soleil, les champs seront écrasés de lumière, les blés blonds vont onduler sous les assauts de la chaleur, l’ombre ne sera plus que le refuge de quelques chèvres chétives.

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Polanc perd deux de ses compagnons dans les traversées de Cesarò, Bronte, Adrano, Biancavilla, Nicolosi. Autant de villages ramassés sur eux-mêmes, qui s'inclinent sous les 3 330 m du volcan, avec leurs ruelles étroites traversant les centres sur des pavés ancestraux, les fenêtres protégées par des fers forgés, les balcons ouvragés donnant sur la route et les innombrables églises baroques qui pointent vers le ciel aux côtés des toits de tuiles rouges.

 

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Autant de villages que mon grand-père a traversé, où il a laissé la trace de sa jeunesse, des bouts de vie que je ne connaîtrais jamais. Il est tellement étonnant de voir par hélicoptère les images d’un passé invisible. Je suis tellement certain que l’on se compose de la géographie d’où l’on vient, que je recherche dans cette diffusion télévisée, allongé au fond de mon canapé, les détails qui trahissent ce mon tempérament. Mon grand-père ressemble tellement à ce pays qu’il est impossible que je n’en conserve pas les traits. Comment ne pas relier mon caractère calme et parfois éruptif à l’Etna. Cette dichotomie entre la réserve que je dégage au premier abord, comme ces villages aux portes verrouillées, et je l’espère, mon amitié inaltérable lorsque je daigne ouvrir ma porte.  Ma curiosité pour la civilisation arabe, car je n’oublie pas que l’Etna prend aussi le nom de Mongibello (venu de Djebel, la montagne) hérité de l’époque où les musulmans dominaient la région.  Mon attrait pour le multiculturalisme, la Sicile étant la somme des différentes colonisations laissées par les envahisseurs qu’ils soient grecs, carthaginois, romains, byzantins, musulmans, normands, espagnols, bourbonnais et même savoyards. Peu de régions ont connu autant d’occupants différents et qui ont tous laissé leurs empruntes architecturales ou culturelles. Comme le célèbre commissaire Montalbano de Andrea Camilleri, je mène mon enquête à travers ce décor pour découvrir les pièces manquantes de mon puzzle intime. 

Là où la route s’incline vraiment en direction du sommet, Polanc se débarrasse du dernier compagnon de route. Il est désormais seul face à la grandeur de ce site unique, tellement fragile, comme écrasé par la Montagne. 

 

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Sur les trois possibilités pour rejoindre le Rifugio Sapienza, la route choisie est peut-être la moins favorable aux hommes seuls. Les longs bouts de tout-droit sont pénibles, les lacets inexistants, la route large. Les données sont simples. Il a 4 mn d’avance sur le peloton qui ressemble à une grosse coulée de lave tentant de l’avaler. Dense, encore épaisse, elle avance inexorablement, mais lentement. Trop lentement. Ses à-coups désordonnés sur la pente régulière ne viendront pas à bout de ce jeune slovène. Il sentira son haleine brûlante souffler sur sa nuque, mais l’Etna préférera aujourd’hui la compagnie d’un soir plutôt que convoler en justes noces. Comme dans un rêve éveillé.

 

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Et comme l’époque semble au libertinage, a muntagna a pris un second amant, offrant au jeune et très prometteur luxembourgeois Bob Jungles une belle tenue rose à défaut d'un costume de marié. Champagne !

 

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Le résumé vidéo de la 4e étape du Giro

Parti dès le premier kilomètre, Jan Polanc (UAE) a remporté ce mardi la 4e étape du Giro au terme d'une longue ascension solitaire sur les flancs de l'Etna, en Sicile. Bob Jungels (Quick-Step Floors) est le nouveau leader du classement général. Le Giro 2017 est à suivre en direct sur La Chaîne L'Equipe .

https://www.lequipe.fr

 

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