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Le Giro vu de mon canapé
9 mai 2017

Journée de Repos (Le 8 mai 2017)

Le Giro s’offre une première journée de repos. Après seulement trois jours de course cela peut paraître un peu prématuré. Pour les coureurs cela l’est sans doute, mais le poids de leurs revendications ne pèse pas très lourd face aux contraintes commerciales et organisationnelles. Sur un Grand Tour, non seulement on demande aux sportifs de parcourir autour de 3 000 km (3 615 km ici) sur leur vélo, mais souvent, après l’étape ils sont obligés de se coltiner un transfert plus ou moins long, la plupart du temps en bus. Pour les organisateurs, qui doivent concocter d’abord un parcours en tenant compte des demandes des villes (et de leur contribution pécuniaire) pour accueillir la course, ces transferts doivent leur donner une sacrée migraine.
Imaginez qu’il faut déplacer 197 coureurs, leur staff avec directeurs sportifs, mécaniciens, médecins, kiné, cuistots et bus des équipes ; l’ammiraglia (les voitures et les vélos) ; les voitures et motos suiveuses ; les médias ; la caravane publicitaire qui atteint deux kilomètres de long. Et imaginez qu’en l’occurrence, le transfert se fasse entre deux îles. En abandonnant la Sardaigne et ses centaines de drapeaux aux quatre têtes de Maures pour rejoindre la Sicile, la Trinacria, le Giro ne pouvait faire à moins que de faire une pause. L’avion pour les sportifs, le reste de la caravane en bateau.

 

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Voici donc les coureurs au repos. Du moins, sans compétition. Parce que les vélos sont déjà de sortie, et on tourne les jambes gentiment sur les routes siciliennes. Demain, les choses sérieuses commencent avec une arrivée sur l’Etna. Un terrain abrupt, où le spectacle peut venir autant du paysage lunaire que des attaques des principaux favoris. Vicenzo Nibali est chez lui. Il arrivera même dans sa ville après-demain, lui, qu’on surnomme « le requin de Messine ». Mais Nairo Quintana ne sera pas dépaysé, il pourra se rappeler qu’en Colombie les volcans se comptent par dizaine.

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De tous les sports, le cyclisme est sans doute le plus populaire, au sens où les « champions » se mêlent à la population. Les routes d’une course professionnelle sont l’un des rares stades sans droit d’entrée. Le seul spectacle sportif gratuit. La proximité des coureurs et de la course est totale. Ces « stars » passent à quelques mètres des spectateurs, à une tape dans le dos. Il faut avoir vécu une arrivée d’étape pour se rendre compte de la simplicité des cyclistes. Plus facile sur un Giro ou un Dauphiné Libéré que sur le Tour et sa démesure, les aires d’arrivée permettent de côtoyer les coureurs qui sont très accesibles, contrairement à d’autres sports plus médiatiques et paranoïaques. Allez-y avec un enfant, et les types avec un dossard ne manqueront pas d’offrir bidons ou casquettes à vos gosses, et avec un grand sourire en prime. Bien entendu, ce sera plus difficile avec Nibali, Quintana ou Froome. Les Fuoriclasse se parent souvent d’une bulle protectrice.
Mais en dehors des courses aussi, les « champions » se mêlent à la « vraie vie ». Leurs terrains d'entraînements ne sont rien d’autre que nos routes de tous les jours avec leur circulation et leur insécurité.

 

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La « vraie vie » vient parfois brutalement nous le rappeler. Le 22 avril dernier, Michele Scarponi, le lendemain de la dernière étape du Tour des Alpes que j’aie suivi à la télévision, est parti sur ses routes pour une sortie de décrassage. Il n’est jamais revenu. Heurté par une camionnette, l’accident bête ne lui a laissé aucune chance. Depuis le départ d’Alghero, les tifosi ne manquent pas de lui rendre hommage, son nom est partout, inscrit sur le sol à la peinture, sur des maillots portés, sur des pancartes levées. Son abscence est omniprésente.

 

Schermata

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Un autre fantôme rode sur le route du Giro. Marco Pantani nous a quitté en 2004, rongé par la pression de la "vraie vie". Pris en tenaille entre son image d'icone absolu, et la décadence de sa vie. Les inscriptions sont encore nombreuses, les tifosi du pirate font vivre sa mémoire, oubliant le côté obscur de sa force. Au détour d'un virage, à l'entrée d'un village, au sommet d'un col, on peut encore voir des pancartes "Pantani Vive". Comme si l'Italie n'avait pas fait le deuil de son campione, de l'utopie de ce chevalier s'en allant battre le fer contre les monarques autoritaires qu'étaient les Indurain, Ullrich, ou autre Armstrong.

 

Pantani

 

Le cyclisme est un sport terriblement difficile, qui explique pour certains ses dérives dopantes, mais c’est aussi un sport effroyablement dangereux. Le cas de Scarponi n’est malheureusement pas isolé, et certains professionnels ont échappé au pire par miracle après des accidents terrifiants. Des miracles j’en vois à chaque fois que je suis une course de vélo, quand les sprinteurs font du coude à coude à presque 70 km/h, quand le peloton lancé à vive allure évite un rond-point, un rétrécissement de terrain ou pénétre dans un chemin où il n’y a de place que pour deux de rang, quand les descendeurs sèment les motos suiveuses et frôlent les précipices dans une étape de montagne. Ils sont plusieurs « morts en course ». Je me souviens de Kiviliev, sa mort a obligé l’UCI à rendre obligatoire le port du casque, de Fabio Casartelli sur le Tour, et de Wouter Weylandt dont le destin est venu se briser sur un mur du Passo del Bocco. Le Bocco, un col anodin des Apennins pour la plupart des gens, pas pour moi. C’est le col qui relie ma ville natale, sur la côte Ligure, au village familial.Chaque fois que nous prenons cette route nous passons devant ce mur où les cyclistes du dimanche déposent un souvenir en sa mémoire.

 

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Demain la corsa rosa va grimper sur les pentes de l’Etna. La lave a façonné le paysage jusqu’à la mer, la terre fertilisée croule sous les agrumes, les figuiers de Barbarie s’accrochent aux rochers, au-dessus la muntagna ne cesse de cracher son panache de fumée et surveille avec son port altier, tout le pays. C’est dans ce décor que mon grand-père a grandi, c’est lui qui m’a légué le nom que je porte, et sans doute une part de mon caractère que j’ai hérité de cet environnement mi-fécond, mi-aride. Il est rentré à l’hôpital. A 95 ans, je souhaite vivement qu’il puisse voir son pays à la télévision, lui, qui a dû le quitter si jeune. Voir cet Etna qui nous uni...

 

 

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