Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité

Le Giro vu de mon canapé

7 mai 2017

Deuxième étape : Olbia - Tortoli 221 km (Le 6 mai 2017)

Nous allons commencer à nous habituer à sa silhouette longiligne, ses longues cannes qui appuient élégamment sur les pédales, son visage impassible qui ne trahit pas ses souffrances. Dans ces scenarii de courses immuables, où dès les premiers tours de roues un petit groupe tente sa chance pour ne récolter que quelques accessits aléatoires ; et plus sûrement montrer le sponsor pendant des heures devant les caméras des télévisions, Daniel Teklehaimanot, déjà échappé hier, a remis ça aujourd’hui.

daniel-Teklehaimanot

Peut-être que la Sardaigne de l’entroterra, avec ses hauts-plateaux émaillés çà et là par des sommets dénudés et rocheux, avec ses herbes rases qui n’attendent que quelques rayons supplémentaires pour prendre leur teinte blonde estivale, ces paysages que l’on peut qualifier de « sauvages » tant l’emprunte humaine semble rare, ne sont pas sans rappeler à notre Erythréen des similitudes avec son pays natal.
Avec un vent du sud qui soufflait parfois en forte rafale, le peloton, malgré les 3 500m de dénivelé sur ce parcours de l’intérieur, n’a jamais vraiment eu l’intention de « faire la course ». Il a laissé dans sa maîtrise - presque scientifique - du temps, les cinq fuyards se battre contre ce vent de face, les avalant juste au sommet de la dernière difficulté de la journée, le Passo Genna Silana, à un peu plus de 1 000m d’altitude tout de même.

 

C_JkONtW0AAzR1G

 

Le peloton donc, s’est résolu à faire de cette journée une randonnée cyclotouriste. Il faut dire que ces routes s’y prêtent. Qui aime le vélo se rêve en train de gravir ces cols réguliers, sans trop de pourcentage, avec ces routes qui épousent les reliefs des montagnes, les contournent à flanc de coteaux, les caressent le long de lignes de crête aériennes et dégagées. Quelques villages retirés, agrippés sur des éperons rocheux viennent parfois rappeler que les hommes vivent ici depuis la nuit des temps. Dans cette région de la Barbagia (ainsi nommée par les romains car ils considéraient les habitants comme des barbares, sans doute car ils étaient moins malléables), la mer est lointaine, parfois même inaccessible par la route, comme cette portion finale de l’étape qui s’étend sur 70 km de Dorgagli à Tortoli ; les rives du golfe d’Orosei ne sont accostables que par la mer.

Le cyclisme a cela de différent de tout autre sport, c’est que les acteurs sont parfois sur la scène sans jouer. Il se passe des heures de course sans agonisme. Comme si pendant 80 mn d’un match de foot, les joueurs jouaient à la baballe, discutant entre eux, ne tirant jamais aux cages, ne cherchant rien d’autre que passer le temps. Sur leurs selles, les coureurs du Giro, traversent le pays, comme dans un grand défilé cyclosportif. D’ailleurs le Giro, à l’opposé du Tour de France, ressemble à ces grandes messes du vélo que sont les « cyclosportives » comme l’Ardéchoise, ou les « gran fondo » comme on les nomme de ce côté-ci des Alpes. Si au Tour, pendant les « Grandes Vacances Estivales », la densité des spectateurs est disproportionnée ; on trouve des spectateurs littéralement partout sur la route, chaque petit emplacement est squatté. Ici, au Giro, la caravane peut passer de longs kilomètres sans voir personne. Les coureurs retrouvent ainsi l’essence même du cyclisme : rouler. Mais, dès qu’elle approche un centre habité, les villages se peignent de rose, la foule se masse pour applaudir le Giro, leur Giro, dans une atmosphère populaire authentique. Hier, nous avons même pu apercevoir des femmes revêtir leurs beaux costumes traditionnels, véritables trésors hérités de l’histoire, qu’on ne sort du placard qu’aux très grandes occasions. Il semblerait que le Giro en fasse partie.

 

FFF9401-1024x683

FFF8860-1024x682

C_J3jAEWsAA4ISt

 

Si le peloton s’est finalement offert une journée de transition, avalant toutefois plus de 200km à 35 km/h de moyenne, sans donner le moindre signe d’effort - nous sommes nombreux à rêver à de telles performances ! Devant, Daniel Teklehaimanot, est rentré dans l’histoire. En passant intelligemment en tête au sommet du Passo Genna Silana, juste avant le nez du peloton il est devenu le premier africain et le premier « black », à revêtir la maglia blu, qui distingue le meilleur grimpeur de l’épreuve. Daniel est un récidiviste, puisqu’il avait fait le coup sur le Dauphiné Libéré et même au Tour de France.

 

51R4024-1024x706

Flag_of_Eritrea

 

Mais personnellement je trouve que ce maillot-là a une saveur encore plus particulière. L’Erythrée est en effet liée étroitement à l’Italie. Elle fût à la fin du 19eme siècle, l’une des rares colonies italiennes. Puis vint Mussolini et ses rêves d’Empereur Romain qui envahit l’Ethiopie voisine et annexa le pays à l’Afrique Orientale Italienne, une utopie nauséabonde qui ne résista pas aux offensives des britanniques durant la guerre. Dans le livre de François Ruffin, « Asmara et les causes perdues », on peut se faire une idée de cette capitale profondément marquée par la colonisation italienne, notamment dans son architecture (on l’appelait la Piccola Roma), ses terrasses où l’on déguste les mille variétés des cafés italiens, et au travers de ceux qu’on a dénommé les « ensablés », des vieux colons italiens qui sont restés sur place après la débâcle de Mussolini. En restent-ils aujourd’hui, pour voir le longiligne Daniel Teklehaimanot, revêtir le maillot bleu de meilleur scalatore ?
L’Erythrée a gagné son indépendance en 1993 au terme d’une longue guerre initiée en 1962 contre son voisin Ethiopien, désireux d’avoir un accès à la Mer Rouge. Sous un régime plus qu’autoritaire, en guerre larvée avec l’Ethiopie, avec une économie exsangue à cause des années de guerre, le pays a peut-être esquissé un sourire et ressenti un sentiment de fierté, une brise d’optimisme venue de la Botte.

 

cinquecento

cinema  eglise

3076699_52302f452ba33a859c943f8ba2440f37ec0ce0f3_1000x625

bnl

Erythree_carte

 

Sur les derniers kilomètres quasiment tous en descente, on a vu Nibali se faire plaisir dans les virages, espérer une faute des ses adversaires, puis comme un brusque retour à la normale, les équipes des sprinters, ces énormes bonhommes bourrés de testostérones, ont pris les commandes du long serpent coloré. Pas de place pour les surprises ce jour. Et à ce jeu-là, le plus athlétique, le plus impressionnant, celui qu’on surnomme le « gorille », l’allemand Greipel est venu cueillir son premier bouquet sur le Giro, et enfiler le Maillot Rose. Un gorille en rose. Voilà qui pourrait être le titre d’un roman. Et toujours pas de mer à l’horizon…

 

GMD_5716-1024x683

GMD_5889-1024x683

 

 

Le résumé vidéo de la 2e étape du Giro

Lors de la deuxième étape de ce Giro qui reliait Olbia à Tortoli, l'Allemand André Greipel (Lotto Soudal) s'est emparé du maillot rose. Roberto Ferrari et Jasper Stuyven complètent le podium.

https://www.lequipe.fr

 

Publicité
Publicité
6 mai 2017

Première étape : Alghero - Olbia 206 km (Le 5 mai 2017)

Les images avaient un goût de primavera, voir d’estathé, lorsque le peloton se rapprochait de criques ensablées et désertes aux eaux d’un bleu turquoise pur. Pour la centième édition du Giro, les organisateurs ont choisi un départ de Sardaigne -  suivi d’un crochet par la Sicile -  espérant sans doute un peu de douceur méditerranéenne pour les 195 coureurs qui devront affronter à la fin du mois les Alpes et peut-être quelques derniers frimas hivernaux qui ont bâti la légende du Giro et de sa fameuse maglia rosa.

 

Giro-2017-parcours-2

D’Alghero à Olbia, sur 206 km, on a eu droit à un long traveling touristique sur la merveilleuse côte sarde : maquis ; côte rocheuse ; long ruban de sable blanc ; villages aux maisons cubiques et toits plats, avec ses façades colorées, comme l’étonnant Castelsardo qui s’entortille autour de sa tour défensive ; et puis la mer transparente non encore souillée par les hordes de touristes estivaux. La Costa Smeralda, fait face à sa cousine : la Corse. Vue du ciel, elle dévoile ses trésors avec son chapelet d’îles, ses plages idylliques, ses rochers sculptés par les vents et le sel, de quoi faire rêver de farniente et de découvertes quand on est avachi au fond de son canapé depuis des mois.

 

62508-2

AFP_O487K_mediagallery-page

LAPR0790_mediagallery-page

  isole  9029602

  rocher palau

 

Le Giro est né en 1909. A cause de nos conflits fratricides, cette année 2017 marque « seulement » la centième édition. Le tracé veut rendre hommage aux grands coureurs de l’histoire de "La Course" italienne, dont l’inséparable duo Coppi-Bartali. Même pour ceux qui sont nés bien après leurs exploits, leur rivalité est un souvenir ancré dans les mémoires de tout amateur de cyclisme. Ils incarnent parfaitement une époque, l’Histoire de l’Italie et la dramaturgie romantique du Giro.

 

coppi-bartali

index


Le Giro fête sa centième et porte dans sa musette son histoire émaillée de grands exploits sportifs, d’étapes légendaires où la neige s’invite pour martyriser de frêles silhouettes perdues dans les montagnes, de petits arrangements entre ennemis, d'anecdotes qui s’inscrivent dans la Grande Histoire du vélo et parfois de l’Histoire tout court ; et il faut bien l’admettre de tricherie plus ou moins avérée et de dopage plus ou moins assumé.

Dans cette histoire centenaire, sur ce parcours de saliscendi longeant la mer, comme dans une italienne au théâtre (c’est une répétition sans mettre le ton, juste pour mémoriser le texte) au scenario immuable, six baroudeurs, comme des petites souris, ont faussés compagnie au gros chat qu’est le peloton sans aucun espoir de grignoter un petit morceau de fromage à l’arrivée. Les derniers survivants de l’échappée seront d’ailleurs mangés, et avalés, à moins de trois km de la ligne blanche. Mais là n’est pas l’essentiel. Ce qui m’a interpellé dans ces six coureurs qui ont choisi de rouler en petit groupe sur ces routes sinueuses, c’est leurs nationalités, qui viennent démontrer que le cyclisme est aujourd’hui un sport mondialisé qui n’est plus réservé à ce noyau historique européen : France, Italie, Belgique, Espagne, Pays-Bas. Parmi les six fugueurs, il y avait deux italiens pour le côté classique, puis, un russe, un polonais, un albanais et un Erythréen, pour le côté "exotique".

Pour la première étape de cette centième, je trouve que le symbole est beau. L’Histoire vient se marier à la nouveauté. D’autant plus, que la victoire et le premier maillot rose, sont tombés sur les épaules d’un certain Lukas Pöstlberger un autrichien méconnu, aussi heureux que surpris d'avoir sorti toute la meute des sprinters de sa roue dans le dernier kilomètre. Le dernier compatriote de la maglia rosa leader d’un grand tour remonte à 1931 (Tour de France). Le Giro, dans sa centième, pour sa première étape sur la côte sarde aux senteurs estivales, continue d’écrire son histoire. Au fond de mon canapé, j’essaye de me l'approprier.

 

LAPR0361_mediagallery-page

AFP_O509U-k3bE--688x458@Gazzetta-Web_mediagallery-page

AFP_O50PG_mediagallery-page

 

Le résumé vidéo de la 1re étape

VIDEO GIRO - L'Autrichien Lukas Pöstlberger (Bora-Hansgrohe) a remporté ce vendredi à Olbia la première étape de la 100e édition du Giro. Il a devancé les sprinteurs Caleb Ewan (Orica-Scott) et André Greipel (Lotto-Soudal). Il est donc le premier leader de la course.

https://video.lequipe.fr

 

<< < 1 2
Le Giro vu de mon canapé
Publicité
Derniers commentaires
Archives
  • 2017
Visiteurs
Depuis la création 2 255
Publicité